Cinq jours. - Prologue
Cinq jours. C’était le temps qu’il restait. Cinq jours. Une éternité. Samuel leva les yeux au ciel et chercha une réponse. Comme si les nuages pouvaient parler. Comme si tout cela pouvait avoir un sens. On ne sait jamais combien de temps dans la réalité. Dans la réalité des gens ordinaires. Cela faisait trois ans que tout s’était passé. Et pourtant. Rien n’avait bougé. Comme si le temps s’était arrêté. Comme les distances, fussent-elles foutues de centaines de kilomètres, comme si les distances n’étaient rien.
La folie n’était pas loin. Elle le guettait. Comment pouvait-il en être autrement ? Comment avait-il pu croire que les choses prendraient un autre tournant ? Il avait retourné chaque seconde, chaque instant, chaque émotion. Il avait compté chaque pas qu’il avait fait, chaque bouteille qu’il avait bue, chaque mot qu’il avait couché sur le papier, faute de mieux. Ses illusions, il ne les connaissait que trop bien. Elles étaient ancrées dans son quotidien, elles faisaient partie de cette normalité.
Cette incroyable banalité qu’on lui avait reprochée. Comment rêver encore à la beauté ? Comment rêver tout court ? Comment dessiner une route différente de celle qu’il avait empruntée ? Le tout des gens est de le croire et cela leur suffit pour garder cet espoir. Cela leur suffit pour imaginer autre chose. Autre chose qu’un cercle.
Le cercle, c’est l’harmonie, il paraît. C’est une folie.
***
« Crois-tu que les choses auraient été différentes sans la mort du bébé ? »
Cela faisait trois ans. En trois années, mille quatre-vingt quinze jours, j’aurais cru que cette question ne pouvait plus avoir d’actualité. Vaine croyance. On a beau entretenir les choses, faire en sorte que la vie suive son court. En fait, il n’en est rien. Les images passent et repassent même celles que tu n’as pas vues. Oh, je sais.
Tu vas dire que tout cela est une pure démence, que tout cela est déraisonnable. Tu as sûrement le droit de penser et le bon sens en fait une vérité. Je le sais bien. J’en suis arrivé à la même conclusion.
Il paraît que le temps ne fait que défiler, qu’on ne le remonte jamais. Il paraît qu’on oublie aussi. Il paraît que le passé est plus joli après. Il paraît. Des fois, je voudrais bien que tout cela soit vrai. Sûrement que tu ne comprends pas tout à fait ce que je te dis, là, à cet instant précis. Peut-être que je ne le comprends pas tout à fait moi-même, d’ailleurs.
Quand j’étais petit, on m’a dit que cette obsession du temps venait du fait que j’avais peur de la mort. Et comme tout « petit », j’avais acquiescé en disant « oui ». Ils avaient sûrement raison, les « grands ». Plus tard, je me suis rendu compte que je n’en avais pas peur. Oui, de la mort. Pour avoir peur de la mort, il faut déjà avoir conscience de la vie, lui donner un sens. S’il ne s’agit que faire que passer, elle est où la finalité ? Que l’on mette un point à cette phrase ou pas, n’a pas de conséquence si le texte auquel elle se rapporte ne signifie rien.
A partir de là, comment voulais-tu que j'ai peur de quoi que ce soit ?
« Crois-tu que les choses auraient été différentes sans la mort du bébé ? »
[...]
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