Puisqu'il faut bien tracer la route

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mardi 19 mai 2009

Cinq jours. - Jour 1


Ça devait être un matin comme bien d’autres, avec des oiseaux qui chantent et sur le coin de la carte postale, un petit rayon de soleil. Et ce fut un matin comme bien d’autres. La tête lourde des excès alcooliques de la veille, avec le vague souvenir d’avoir pleuré peut-être. D’avoir encore dérapé. On ne se rappelle jamais vraiment de ces choses-là, même si les gens, elles, les retiennent. Samuel se frotta les yeux et les ouvrit avec bien de la peine. Il jeta un œil sur les chiffres lumineux du radio-réveil… Cinq minutes s’étaient écoulées et il n’avait rien vu. Il regarda sur le côté. Il y avait une silhouette enfouie sous le pli des draps. Il aurait dû sourire mais rien ne lui vint. Juste une sensation de dégoût. Juste une sensation de rien.

C’était un peu comme si la chose était imparable. Rien que de l’ordinaire… Rien d’inoubliable. Sa mémoire en avait trop fait, elle ne faisait que régurgiter toutes ses choses de trop. C’était sûrement une bonne fille, un petit cœur, tout ce qu’il y a de plus adorable. Mais contrebalancé par le reste, c’était tout ce qu’il y avait de plus insipide au monde.

Samuel s’extirpa du lit. Il n’était déjà plus là. Il était en train de tisser la toile de son prochain mensonge… Il fallait être gentil. Lui dire que rien n’était de sa faute mais qu’il n’était pas prêt et éviter de parler des raisons pour que ça fasse plus vrai. Eviter de parler des raisons, pour laisser l’option de recommencer et ce, même si c’était laid.

Des justifications. S’il fallait en trouver, il en trouvait. Il n’y avait rien de plus rapide, de plus facile. Aussi facile que de nier ses remords et accepter ses regrets.

Le carrelage était froid et il n’y avait plus de café. Ça n’avait pas d’importance. Il n’y avait aucune raison valable de vouloir se réveiller. En revanche, il y avait un peu de tabac à rouler et du papier à cigarette. A défaut de nourrir, ça avait l’avantage de le tuer sans mot dire.

Il ouvrit la fenêtre et il faisait froid. Ce n’était pas agréable mais ça engourdissait ses idées encore baignées d’alcool.

« Crois-tu que les choses auraient été différentes sans la mort du bébé ? »

La pendule indiquait sept heures et demie. Il était temps de mettre dehors la larve qui roupillait au fond du lit. Il aurait pu la laisser là avec les clés et lui dire de les lui ramener… Mais la revoir, c’était vraiment la dernière des choses dont il avait envie. Il ne savait pas de quoi il avait envie. Mais il savait ce qu’il ne voulait pas. C’était comme ça. Il fallait s’y faire.

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