Cinq jours. - Jour 1 (3)
Ce qui est bien lorsque tu es alcoolique, c'est que personne ne le remarque jamais. Non pas que personne ne le sait. Non pas que personne n'ait vu que tu bois plus que de raison. Mais personne ne veut faire la remarque. Les gens sont pourvues de cette pudeur qui leur fait éviter de dire quelque chose qui pourrait être déplaisant ou négatif. En même temps,est-ce vraiment bien cela le raisonnement ? N'est-ce pas plutôt l'envie de croire que tout cela n'a pas beaucoup d'importance parce que le temps nous manque. On passe tellement de temps à essayer de savoir si l'on peut accorder nos violons qu'au final, on finit par oublier qu'il s'agit seulement de jouer la musique.
La vraie beauté est inaccessible et le fait d'avoir échoué est une victoire en soi. Le fait de n'avoir pas su lui dire qu'elle était celle qui te fallait, le fait de n'avoir plus lui dire qu'avant de tuer ne serait-ce que l'idée d'avoir fusionné qu'il aurait fallu te demander.
Tu n'étais pas celle qu'il me fallait.
Je n'étais pas celui que t'attendais.
C'est tellement plus facile d'assumer nos échecs.
On est beau que quand on est des salauds. Quand on fuit l'idéal pour le garder inaccessible.
« Qu'est-ce que t'as fait ? »
Qu'a-t-elle découvert de ton passé ? A-t-elle su à un moment donné que tu étais condamné ? A-t-elle découvert que tu étais pareil à tes semblables et que la date de péremption était donnée ? Pas question d'être larmoyant. Pas question de mentir. Je suis un être humain.
Alors quand dans un sourire, elle te dit qu'elle est enceinte, c'est le monde qui s'effondre. Quand elle te dit qu'elle ne voulait pas et que la force des choses a décidé. C'est le silence qui reprend sa place.
S'en suivent les mois de merde, de silence gêné. T'étais l'amant, le gêneur, le bout de ciel dans une tragédie que l'on avait déjà joué.
Quand elle t'a pris, elle a juste cru que c'était un jeu. Que c'était pour du beurre. Que t'étais bien plus grand qu'elle, pour ne pas succomber. Pour comprendre l'inaccessible, pour pardonner.
Ce qui est bien quand tu es alcoolique, c'est que personne ne te pose la question. Tout le monde croit à ta déchéance sans vouloir savoir si l'on ne peut l'amender.
Je pourrais écrire des heures sur l'intimité de chaque douleur, de chaque raison, de chaque pensée. Si tu préfères garder les heures où l'été filait à l'anglaise et le manège continuait de tourner, tu as le droit. Tu as le droit de garder tout ça.
« Crois-tu que les choses auraient été différentes sans la mort du bébé ? »
Sam descendit à Opéra. Les gens étaient comparables à ces ombres qu'on imagine quand on n'est pas là, quand on n'est pas réveillé.
[...]